Top 10 (+1) musical 2021

Une sélection de nos coups de coeur musicaux multi-supports pour le traditionnel Top de l’année écoulée :

Cimetière créole / Bonbon Vodou, Heavenly Recordings.

Le Bonbon Vodou, c’est une confiserie qui, dès les premiers contacts avec les papilles auditives, fait ressentir les pulsations de sa rythmique épurée et pourtant prégnante. Caisse en fer blanc et charley en sac plastique, sur sa batterie en exemplaire unique, Oriane l’a travaillée ; avec sa guitare au corps de bidon d’huile, JereM l’a finement recouverte de mélodies. Des histoires à deux voix, qui combinent, pétillent et explosent. Des poèmes, du sarcasme, des émotions. Une nostalgie joyeuse, une tristesse festive, à l’image du cimetière marin de la baie de Saint-Paul, île de La Réunion. Enregistré entre la France et l’île volcanique, battu par l’air de l’océan Indien, l’album, dans les mots comme dans les notes, transforme la chanson française en succulence créole. Sur place, c’est entouré de figures musicales de l’île que le duo s’est offert des subtilités gustatives du sega et du mayola. Les notes d’accordéon de René Lacaille, le père d’Oriane, la voix de Danyel Waro. Mais aussi des percussions – le kayamb évidemment ! – et, dans la tradition locale, le souffle des orchestres en cuivres.

Zwei / Heimat, Teenage Menopause Records.

Si Zwei s’inspire des contrées marginales défrichées jusqu’alors, la production déployée, le mastering étoffé permettent aux expérimentations du duo de franchir de nouvelles frontières. Les voix d’Armelle s’éloignent des influences germaniques, prospectant plus au sud. Ces incursions rendent leur musique incongrue plus inclassable encore : plus directe et aiguisée, elle perd toutefois l’auditoire dans les limbes d’une pop cramée, cassée mais si rassurante à la fois.

Le cirque de consolation / Léonie Pernet, InFiné.

Depuis 2018 et la sortie de son 1er album, Crave, une chose semble certaine : il faudra désormais compter avec la multi-instrumentiste, chanteuse et productrice pour déconstruire la pop made in France, la métisser, la densifier, y ajouter sa touche de génie et son grain de mélancolie. Epaulée par le réalisateur artistique et mixeur Jean-Sylvain Le Gouic (ex-membre du groupe Juveniles), elle donne ici naissance à l’exigeant Cirque de consolation. « Une utopie consolatoire, terre d’asile collective », c’est par ces mots qu’elle répond lorsqu’on lui demande quelle idée sous-tend ce lieu fictif dans lequel elle nous convie à la rejoindre. Léonie y lève le voile sur sa voix, plus émouvante que jamais, et nous offre des chansons aux textes racés et généreux. Onze titres dont 3 instrumentaux, dialoguant dans des directions aussi riches que variées. Percussion africaines, orientales, synthétiseurs, boite à rythme ou batterie ; Léonie mélange les genres et les instruments avec une aisance folle.

Fear of a female planet; Straight Royeur : un son punk, rap et féministe / Cara Zina, Karim Hammou; Nada Editions

En 1990 sortait l’album culte de Public Enemy Fear of a black planet. L’analogie est donc ici à peine voilée.

Né de l’association d’une disquaire punk énervée, Virginie Despentes, d’une étudiante bohème, Cara Zina, d’un guitariste anarchiste, Gilles, d’un graffeur agité, Hashan, et d’un passionné de P-funk, MC, Straight Royeur est un groupe de punk rap féministe qui a sévi en France de 1989 à 1992.

C’est la rencontre improbable de deux filles déterminées à faire entendre leur voix et de lascars à la rage contenue. C’est le punk rock qui se réinvente au contact du hip-hop.

Premier laboratoire créatif de l’écrivaine Virginie Despentes, Straight Royeur laisse des textes pétris de révolte et des images jamais publiées. Fear of a Female Planet retrace, à travers le témoignage de ses membres, l’histoire de ce groupe et son apport inédit au paysage musical français.

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Still moving / Justin Adams & Mauro Durante, Ponderosa Music Records.

Le guitariste, compositeur et producteur Justin Adams collabore pour la première fois avec le leader et violoniste du groupe italien Canzoniere Grecanico Salentino, Mauro Durante. Justin Adams a été l’un des principaux collaborateurs de Robert Plant et a également produit certains albums phares de Tinariwen et Rachid Taha. L’approche post-punk de Justin Adams s’est enrichie d’une passion pour la trance/blues arabe et africaine, alors que Mauro Durante est l’héritier visionnaire des racines de la Taranta de sa région natale, les Pouilles. Ensemble, ils ont trouvé ce qui était essentiel dans leur son commun et créent un son brut, dépouillé, qui émeut et envoûte.

White riot / Rubika Shah; The Jokers Films, 2020. *

La Grande-Bretagne est prête pour un leader fasciste déclare…. David Bowie qui se dédit quelques années plus tard : face à la montée de l’extrême-droite nationaliste et raciste, à la fin des années 1970 et en pleine explosion punk, un groupe de militants choisit la musique comme arme. C’est l’aventure de Rock Against Racism qui, avec The Clash, Sham 69, Steel Pulse va réconcilier sur des rythmes punk, rock ou reggae les communautés d’un pays en crise.

Le dernier album / Mendelson, Ici d’ailleurs.

Duo sur la ligne de départ devenu groupe à géométrie variable avec Pascal Bouaziz comme point d’ancrage, Mendelson sort aujourd’hui son chant du cygne… et il n’y aura pas de reformation en mode vieux croulants pour renflouer les comptes bancaires. Bouaziz aura toute latitude pour poursuivre ses projets parallèles comme Bruit Noir ou Michel Cloup Duo.

J’ai appris à apprécier ce groupe au fil du temps et il faut dire que ce n’était pas gagné. Trop littéraire, trop romantique, trop geignard, érigé de facto par les Inrocks comme groupe culte à la sortie du premier album en 1997 avec son « Je ne veux pas mourir », Mendelson a traversé les galères et sorti 6 albums dans un relatif anonymat tout en consolidant les liens avec son public et mûrissant son art. Une oeuvre dense, complexe et intègre avec panache et humour noir en filigrane. « Culte mon cul ! » mais Mendelson tutoie néanmoins les cimes avec Bashung et d’autres.

Le chanteur et compositeur est le mieux placé pour parler de son dernier album. Retrouvez son interview en 2 parties sur Benzine.
1ère partie
2ème partie

A noter la sortie de l’intégrale des textes éditée chez bientôt disponible à la bibliothèque.

Stéphane L. (Bibliothèque des Champs Libres)

Shapes of the fall / Piers Faccini, No Format.

Élaboré deux ans durant, Shapes of the fall représente un tournant sur la route qui, étape après étape, le conduit au plus près de l’essence plurielle de son songwriting. Orchestrant des échanges profonds entre folksongs, pulsations gnawas et quatuor à cordes, il peaufine un artisanat qui se nourrit autant de l’héritage angloaméricain et des traditions de la Méditerranée, du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest que de la musique ancienne ou baroque.

The Montreux Years / Nina Simone, BMG Rights.

De la performance glorieuse et émotionnelle de Nina en 1968 à son concert fougueux et imprévisible de 1976, l’une des performances les plus remarquables jamais vues au festival, la collection comprend des enregistrements de ses cinq concerts légendaires à Montreux en 1968, 1976, 1981, 1987 et 1990. Avec des documents rares et inédits issus de la vaste collection d’enregistrements de Claude Nobs, les auditeurs seront ravis d’entendre la puissante chanson I Wish I Knew How It Would Feel To Be Free, la poignante et intrépide Four Women et la magnifique interprétation de Ne Me Quitte Pas. Une version frissonnante de Stars de Janis Ian côtoie sa réinterprétation audacieuse et électrisante de la ballade No Women No Cry de Bob Marley en 1990. La collection se termine par le rappel du dernier concert de Nina Simone au Festival de Jazz de Montreux et l’un des enregistrements les plus appréciés et les plus connus de Simone, l’exubérant My Baby Just Cares For Me, qui met en évidence les facettes profondes et multidimensionnelles de sa vie et de sa musique. L’édition double CD comprend également l’intégralité du concert historique de Nina Simone en 1968, une tuerie de la première à la dernière note. C’est la première fois que l’intégralité du concert sera disponible sur CD.

Monument Ordinaire / Mansfield. tya, Warrior Records. *

Depuis 2002, Rebeka Warrior, poète de nuit, productrice de jour, et Carla Pallone, compositrice, violoniste baroque devenue multi-instrumentiste, forment Mansfield TYA. Si on connaissait jusqu’à présent leur monde sensible (sens de la mélodie, mélancolie et minimalisme), aujourd’hui, le groupe revient avec une ode poétique new wave. Avec Monument ordinaire, Rebeka et Carla réalisent leur cinquième album : 45 minutes de vie et de mort, de poésie taillée à même la roche imaginées comme des paroles de Maître Dogen (philosophe et poète Japonais) sur des mélodies simples et catchy de Jacno. A noter les 2 featurings sur 2 titres : Odezenne et Fanfan le chanteur de Bérurier Noir.

Acquainted With Night / Lael Neale, Sub Pop Records.

Les choses les plus simples sont les plus difficiles à faire. C’est à travers ce paradoxe que la musicienne Lael Neale a vécu tout au long de son développement en tant qu’artiste. C’est la raison pour laquelle elle est devenue fascinée par la poésie. Les poèmes sont une distillation. Acquainted With Night est le témoignage de cette dévotion poétique. Dépourvu de tout son ou mot superflu, les chansons sont éclairées par la voix cristalline de Lael, qui repose sur un lit luxuriant d’Omnichord. Les morceaux abordent l’isolement, la mortalité, le désir et la volonté de parvenir à l’expérience transcendante. Lael a grandi dans une ferme en Virginie rurale, mais a vécu à Los Angeles pendant près de dix ans. Après avoir mis nombre d’albums entiers de côté, la solution la plus évidente est apparue : aller vers la simplicité. Début 2019, au beau milieu d’une transition, elle a acquis un nouvel instrument : l’Omnichord, et un déluge de nouvelles chansons arriva, avec l’intention de les capturer dans leur forme la plus vraie. Guy Blakeslee, qui suivait son travail depuis des années, l’a aidé dans ce processus, installant un magnétophone dans sa chambre et lui donnant de subtils conseils techniques. Limitée à un 4- pistes et aux premières prises, Lael a dû abandonner une partie de son perfectionnisme pour livrer les chansons dans leur essence. Si Lael est d’habitude une personne matinale, elle a enregistré la plupart de ces chansons le soir, ce qui devint Acquainted With Night.

Cécile D. (Bibliothèque des Champs Libres)

Les critiques des albums et du documentaire White riot sont issues de notre catalogue et fournies par nos fournisseurs GAM et ADAV excepté celle sur Mendelson. La critique de Fear of a female planet est issue du site de l’éditeur. D’autres coups de coeurs musicaux ont été publiés cette année sur ce blog (cliquez ici pour les visualiser). Une web radio « top 2021 » de tous les coups de coeur des bibliothécaires du comité métropolitain sera également bientôt écoutable sur le portail Les M via la ressource musicMe.

Nos concerts de l’année : A Certain Ratio à l’Ubu , Michel Cloup Duo + Pascal Bouaziz à l’auditorium du Tambour / Rennes 2, Gwendoline + Bantam Lyons (Trans Musicales et Bars en Trans)

* Sortis en 2020 mais proposés à l’emprunt en 2021.